L’association Storiavoce a pour objectif de promouvoir l’histoire antique, médiévale, moderne et contemporaine, le mouvement des idées politiques et l’histoire de l’Art. Elle vise à mettre en lumière les événements majeurs de l’histoire, les grandes figures qui l’ont illustrée et les courants intellectuels qui l’ont fécondée. L’association Storiavoce cultive une vision de l’histoire décrite ci-après.
L’histoire ou le choix des hommes
La vie humaine, individuelle et collective, est inscrite dans le temps. Chacun y agit par ses actes. Chacun y influence son devenir et celui de son entourage social par ses vertus, ses passions et ses vices, son courage et ses lâchetés, l’éclat de son génie ou le poids de ses médiocrités. Sous ce rapport, l’histoire est d’abord ce temps long qu’imprime de manière plus ou moins décisive la liberté des hommes, conjuguée aux nécessités, porteuses ou dégradantes, provoquées par leurs choix. L’histoire en tant que temps est ainsi le cours même de cette aventure humaine. Elle entretient dès lors un rapport nécessaire avec la philosophie, la morale, et jusqu’à la théologie. Elle est en effet le cheminement d’êtres rationnels et libres vers leurs fins et jusqu’à leur fin ultime, terme du temps. Ce n’est pas une approche moralisante de l’histoire mais la prise en compte de son caractère essentiellement humain.
L’histoire, la chronologie et les sources
L’histoire est aussi la discipline qui scrute la partie observable de ce devenir, par l’étude des documents, pour la connaître. L’histôr, en grec, est en effet « celui qui connaît ». Il appréhende des événements : ce qui est irrévocablement advenu. Il cherche, avec les outils de plus en plus perfectionnés que la science lui propose, à découvrir dans ce temps révolu les actions des hommes et leur incidence dans l’espace et la durée. C’est pourquoi l’histoire ne peut être que chronologique. Si le propre du sage est d’ordonner, la chronologie est la sagesse de l’historien. Quand le géographe oriente sa démarche par la question : « où ? », l’historien oriente la sienne par la question : « quand ? ». Cette quête attentive des événements tissant l’histoire en tant que temps, tels qu’ils se sont produit et quand ils se sont produits, exclut de l’histoire en tant que discipline l’apriorisme idéologique ou déterministe, la vulgarisation excessive ainsi que les anachronismes qui, à contresens de la marche du temps, conduisent à juger le passé selon les critères, justes ou erronés, du présent.
Histoire et débat
Les exigences de son savoir commandent ainsi la discipline de l’historien. Si une authentique passion lui est nécessaire, ses recherches doivent être guidées par un amour authentique de la vérité, c’est-à-dire par cette volonté d’accueillir la réalité des choses qui, en ce domaine comme en tout autre, est la condition essentielle de la liberté intérieure. Ce souci ouvre à la collaboration honnête, à l’échange d’idées, à la confrontation bienveillante des opinions. C’est en ce sens que l’on peut parler de « responsabilité de l’historien », car ce dernier doit être en mesure de répondre de la droiture de ses méthodes. Comme tout témoin, il doit être digne de foi.
L’histoire et les autres disciplines
Embrassant tout le temps humain, autant qu’il peut être scruté, l’histoire prête son concours matériel à l’ensemble des secteurs du savoir, de la médecine à l’éducation, de la musique à la mathématique, de la littérature au cinéma, de la peinture à l’architecture, de l’anthropologie à l’héraldique et jusqu’à la philosophie et à la théologie. Elle offre à toutes ces disciplines la connaissance des circonstances factuelles, situables chronologiquement, de leurs devenirs respectifs, lesquels correspondent à autant d’aventures humaines.
L’histoire des hauts faits
L’histoire comme discipline s’intéresse à la « petite » histoire comme à la « grande », à l’histoire locale, à laquelle le regain de la généalogie a redonné un formidable essor, comme à l’histoire des civilisations. Rien de ce qui est humain ne lui est a priori étranger. Néanmoins, très tôt, l’intérêt de l’historien s’est porté préférentiellement sur la vie des grands personnages du passé, qui ont « fait l’histoire » [ou plutôt : qui l’ont « agie »] en pesant décisivement sur elle. Il est remarquable qu’un souci pédagogique se soit très tôt attaché à cet intérêt. Dans la mythologie grecque, la muse Clio, fille de Zeus et de Mnémosyne, la déesse de la mémoire, chante le passé des hommes et des grandes cités en glorifiant leurs hauts faits. Hérodote entreprend d’écrire son Histoire pour en faire lecture à différentes assemblées grecques afin de « préserver de l’oubli les actions des hommes, de célébrer les grandes et merveilleuses actions des grecs et des barbares ».
Histoire et mémoire
L’histoire de l’histoire montre ainsi que la vocation fondamentale de l’historien est d’instruire. Il connaît pour raconter. Avec cette spécificité, cependant, que sa pédagogie est « mémorielle ». Non pas au sens des « mémoires » modernes, souvent sélectives, exclusives et agressives. Elle est mémorielle dans la mesure où elle veille à ce que ne soient pas ensevelies sous les cendres du passé des forces qui ont éclairé leur époque et qui ont engendré notre temps présent. Elle est mémorielle pour transmettre principalement ce qui est digne de mémoire : les « grandes et merveilleuses actions » de ceux qui nous ont précédés, afin qu’elles nous stimulent, selon le vœu d’Hérodote, à vivre à hauteur d’homme.
L’histoire, maîtresse de vie et de vérité
La référence à la mémoire n’est pas anodine dans notre culture occidentale. La mémoire est, en effet, une partie intégrante de la vertu de prudence, qui est « règle droite de l’action » présente, qu’elle soit individuelle ou collective. Le prudent est tel, en particulier, parce qu’il est historiquement instruit, par son expérience propre ou celle d’autrui, de ce qu’il est juste d’accomplir dans son temps présent. Voilà pourquoi Cicéron disait de l’histoire qu’elle est non seulement « vrai témoin du temps » écoulé, mais aussi « lumière de la vérité, vie de la mémoire, maîtresse de vie », et que Bossuet en faisait lui-même la « maîtresse de la vie et de la politique ». C’est pourquoi, aussi, l’apprentissage de l’histoire était jadis un élément essentiel de l’éducation au gouvernement, par les miroirs des princes.
Histoire et transmission
L’enseignant, le professeur, doivent être conscients – et fiers – de contribuer, en leur domaine, à la maturation de cette vie chez leurs auditeurs ou leurs lecteurs. Il serait aussi absurde de concevoir l’histoire comme une discipline morte que de considérer une langue ancienne comme « morte », alors qu’il suffit de la parler pour l’animer. L’historien doit « parler » l’histoire – Clio, avons-nous rappelé plus haut, la chantait. Il doit la transmettre palpitante à ses interlocuteurs afin de les aider à ouvrir les yeux sur les enracinements de leur vie culturelle, de leur mode d’être et de penser, afin qu’ils puissent construire à leur tour, sans haine de soi, leur part du temps. Ce n’est pas seulement un besoin académique mais une nécessité. En oubliant leur passé, en refusant ou en négligeant leur histoire, c’est-à-dire les fondations de leur devenir collectif, les hommes se rendent incapables d’édifier « un projet de coexistence harmonieuse et un engagement commun dans la réalisation des objectifs futurs » (Benoît XVI). Refuser l’histoire, au fond, c’est renoncer à sa condition d’homme. Là encore l’histoire rejoint la philosophie : on ne devient que ce que l’on est, fût-on enrichi, dans sa vie propre, par une multitude d’influences nouvelles.
C’est cette vision que l’association Storiavoce entend servir librement auprès de ceux qui l’aiment (Enseignants et chercheurs, élèves et étudiants, lecteurs et auditeurs) , indépendamment en particulier de toute contrainte politique, pour les aider à susciter, à leur tour, des vocations de transmetteurs et de témoins.